Typologie et codification du journalisme né du web

Ere cybéristeAvec l’arrivée d’Internet et la prolifération des journaux « en ligne », le phénomène de décalage par rapport aux règles éthiques et principes déontologiques dans le journalisme se fait de plus en plus grand. Le doigt accusateur est généralement pointé vers certains caractères du web : instantanéité, rapidité, transnationalité, fugacité…. Sur Internet, la fugacité des  informations échangées est, généralement, plus mise en cause par les uns et les autres. Ils vont jusqu’à qualifier Internet de volatile. En effet, la description d’Internet aujourd’hui devient de plus en plus difficile dans ce contexte, du fait des avancées technologiques fulgurantes auxquelles on assiste actuellement. L’on plonge de plein pied dans l’ère cybériste quand on se rend compte que les médias sociaux et les nouveaux outils numériques de communication se comptent par centaines aujourd’hui.

Web en 60 secondesCe qui a pour effet d’avoir de bons et de mauvais revers sur le rayonnement de la presse en ligne dans le monde, au Cameroun en particulier. L’on constate ainsi que le Cameroun est une référence en matière d’excellence dans la pratique journalistique en ligne. Il est le seul pays africain à avoir remporté plus de trois trophées  en 5 ans dans le cadre du journalisme multimédia sur la scène africaine aux Highway Africa New Media Awards. Soient les prix de la meilleure enquête en ligne, du meilleur reportage multimédia, de la meilleure reporter en ligne femme et du meilleur blog sur les TIC. Du côté de l’Allemagne, au travers d’une de ses plumes, ce pays est glorifié comme étant l’un des pays ayant offert le meilleur blog français aux bobs awards ces dix dernières années. Sur le plan national, quelques titres de presse en ligne suscitent de l’admiration et de nombreuses distinctions dans le domaine du blogging s’enregistre. De manière paradoxale, l’on observe également que, malgré le fait que quelques webjournalistes sont primées pour un bon exercice de la profession, d’autres s’illustrent dans la désinformation, des délits d’injures, de calomnie, de propagation de fausses nouvelles, de diffamation voire d’escroquerie par voie Internet.

En pratique, certains utilisent leurs publications en ligne pour faire chanter certaines personnalités. D’autres encore, sans aucune façon, en commettant multiples délits de presse et vices de procédures, utilisent le média en ligne pour se faire un nom de « journaliste », « de blogueurs professionnels », qu’ils aient suivi une formation professionnelle ou académique dans ce sens ou nom. Ce qui a pour corollaire de créer un libertinage flagrant en ligne au nom de la liberté de la presse en ligne, menaçant ce dernier, droit inaliénable de l’exercice de la profession de journaliste où que l’on soit dans le monde. La plupart des webjournalistes et/ou journalistes multimédias et/ou blogueurs professionnels qui se retrouvent dans cette situation, ignorent très souvent qu’« Un journal, ce n’est pas seulement une collection d’articles. Si les articles en constituent généralement la base, encore faut-il que ceux-ci soient correctement rédigés, sans fautes, que leur présentation soit lisible, qu’ils soient bien titrés et coupés régulièrement d’intertitres. Le plus souvent, ces articles seront accompagnés d’illustrations. (…) il est souhaitable enfin que l’ensemble forme un tout harmonieux, agréable à regarder et incitant à la lecture. [1]»  En outre, ils devraient savoir comme Tim Berners-Lee l’affirme que «  L’initiative du web mobile est importante – [mais] l’information doit être traitée de manière transparente, quelque soit le support » (The Mobile Web Initiative is important – information must be made seamlessly available on any device.”)[2]. Webjournalisme, journalisme multimédia, journalisme en ligne, ou encore cyberjournalisme, ce métier du journalisme né de l’influence d’Internet a des particularités liés aux caractères d’Internet : rapidité, instantanéité, précision, brièveté…Avec la multiplication des réseaux sociaux et d’information, l’écriture journalistique en ligne comme sur les blogs diffère radicalement de l’écriture dans le journalisme traditionnel, du moins, dans la présentation de l’information.         Tentative de classification des journaux en ligne et inventaire des genres rédactionnels en webjournalisme.

Les différents types de journaux en ligne

Disposition page web (c) Luc LegayPatrick Le Floch et Jean-Marie Charron dans La presse en ligne [3] identifient cinq formes de la presse en ligne. L’on peut citer entre autres : les sites d’actualité généralistes, les sites d’actualité locaux, les sites d’actualité spécialisés, les sites d’enquête et d’analyse et les sites magazines. En y regardant de près, cela ressemble aux formats de la presse traditionnelle qu’elle se décline en presse écrite, radio ou télévision.

D’une manière plus concise, les auteurs sus-cités vont proposer huit catégories possibles de classification des journaux en ligne :

Les portails et agrégateurs : ce sont des sites web proposant une entrée commune vers une multitude de ressources informationnelles (portail) ou des sites web proposant un contenu informationnel issu d’une méthode de syndication par flux de données.

Les agences d’information : Comme son alter ego en presse écrite, c’est un site web qui fonctionne comme un grossiste de l’information.

Les quotidiens : C’est un site web rendant compte du contenu d’un quotidien de presse écrite en ligne.

Les magazines : C’est un site web rendant compte du contenu d’un magazine de presse écrite en ligne.

Les radios et les télévisions : Ce sont des penchants en ligne des radios et télévisions émettant suivant les technologies traditionnelles.

Les groupes de communication : Ce sont des sites web de groupe de communication en ligne.

Les pure-players : Ce sont des sites web d’information existant uniquement sous le format web.

Les blogs et site web participatifs : Il s’agit ici de journaux personnalisés, des e-portfolio ou des réseaux d’information collaboratifs.L’académie de Dijon[4] par contre nomme les pure-players en site miroir ou journaux en ligne par nature.

Les journaux en lignes identifiés au Cameroun

Typologie des journaux en ligne au CamerounAu Cameroun, la classification des journaux en ligne devient plus complexe du fait d’une absence de nomenclature dans le domaine du webjournalisme. La plus grosse réflexion à ce sujet a eu lieu lors des états généraux de la communication des 5 au 7 décembre 2012 à Yaoundé. Des propositions de nomenclature non encore validées par le législateur présente la presse en ligne sous le nom presse cybernétique constituée de « cyberjournal » ou « journal multimédia ». L’expression employé pour désigner le webjournalisme bien que dépassé du point de vue technologique n’a pas empêché une tentative de classification des « cyberjournaux » qui sont définis comme étant « des sites web d’informations, régulièrement renouvelé, présentant un lien avec l’actualité et ayant fait l’objet d’un traitement à caractère journalistique. Il ne doit en aucun cas constituer ni un outil de promotion ni un accessoire d’une activité industrielle ou commerciale ». En attendant amendement ou validation de cette proposition de nomenclature, voici ce qui constitue la presse en ligne sur les recommandations des états généraux de la communication :

Les sites d’informations exclusifs ou pure players : « organes de presse cybernétique uniquement présent sur Internet au moment de leur création ».

Les sites d’informations inclusifs ou site compagnons : « organes de presse cybernétique appartenant à des médias traditionnels ».

Les agrégateurs d’informations : « site web d’information qui regroupe les articles collectés sur d’autres sites d’information ayant une rédaction ».

Ce document exclu expressément les blogs, les sites web personnels et les médias dits sociaux en utilisant l’assertion « Ne font pas partie de la catégorie de presse en ligne ».

Compte tenu de ce qui précède, des classifications de la presse en ligne faites par d’autres acteurs sur le plan général et de l’observation du paysage des journaux en ligne au Cameroun, nous pouvons identifier 7 types de journaux en ligne : les pure-players, les journaux compagnons, les sites d’information spécialisée, les radios en streaming, les télévisions en streaming, les agrégateurs de contenus, les blogs et hébergeurs de blog.

Les principes d’écriture en ligne

Specificités du web (c) Luc LegayLes spécificités du web conditionnent l’écriture en webjournalisme. Afin d’écrire efficacement pour le web, Luc Legay propose de prendre en compte quelques facteurs[5]. Ceux-ci dépendent de la nature d’Internet. Selon lui, on lit en moyenne 25% moins vite que sur le support papier. En outre, on a une « lecture zapping » soit 80% de personnes lisent en diagonale. Il explique également que lorsque nous avons à lire une phrase de 40 mots nous en mémorisons 30% contre 70% pour 17 mots et 100% pour 12 mots par phrase. Selon d’autres analystes, le temps moyen passé sur un site web est de 2 minutes, pour 30 à 60 secondes sur une page web : selon les analystes des supports en ligne les rédacteurs web ont 7 secondes pour convaincre le lecteur de rester sur un article. En termes de spécificités du web par rapport aux autres médias, la figure ci-après est plus explicite.

Lecture en F (c) Luc LegayEn prenant en considération cet état de choses, écrire pour le web suppose :

·        Ecrire court, précis, concis et aller à l’essentiel, agrémenter d’hyperliens;

·     Utiliser les règles du quintilien proposées par Lasswell et la pyramide inversée;

·         Respecter la loi de proximité, la notion du mort kilométrique ;

·         Ecrire en illustrant au maximum avec des éléments audiovisuels ;

·      Ecrire pour la « lecture en F » et en fonction de la disposition des éléments sur une page web.

Les genres en webjournalisme

genres webjournalismeA l’observation des articles et des contenus des journaux en ligne, on peut ranger les articles dans des catégories précises. Louis Haushalter s’est livré à cet exercice le 23 Septembre 2010 et a pu identifier six genres rédactionnels en webjournalisme.

Le flash journalism : Ici on privilégie l’information brute et on use beaucoup du copier-coller. C’est le genre le plus utilisé en agence de presse en ligne.

Le live journalism : Là ce sont les aspects audiovisuels qui sont les plus mis en exergue de manière instantanée, en direct. C’est généralement le cas sur des radios ou télévisions en streaming

Le narrative journalism : C’est le mode le plus répandu qui se focalise sur le journalisme de terrain avec des reportages, interviews et enquêtes. On le retrouve facilement chez les pure players et les sites compagnons.

genre webjournalismeLe data journalism : Il s’agit du journalisme de données sui combine informations chiffrées et statistiques et infographies de divers ordres. Il est utilisé comme mode d’illustration sur les sites web d’information.

Le blog journalism : Il est caractérisé par la liberté de ton, les articles sont des billets courts. Employé par les sites web personnels.

Le talk journalism : Celui-ci est né de l’avènement des réseaux sociaux et d’informations. Il privilégie l’interaction avec le public, le chat, les sondages…

PS. Ce post est un extrait de la recherche de Dorothée Danedjo Fouba intitulée « La pratique de l’éthique et de la déontologie en webjournalisme au Cameroun sous le prisme de l’éducation aux médias », Université Sorbonne  Nouvelle-Paris 3, Juillet 2013.

Toute reproduction partielle ou totale de cet article sans autorisation préalable de l’auteur sera sujet à des poursuites judiciaires.


 


[1] Louis, Guéry (1973). Pratique du secrétariat de rédaction .Paris, Cfpj.

[3] Le Floch Patrick et Charron Jean-Marie(2011). La presse en ligne. La découverte. Paris

[5] Luc Legay. (2010) Techniques et bonnes pratiques pour écrire pour le web. Creative commons.

 

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5 réponses à Typologie et codification du journalisme né du web

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